LAURENCE CHAPEAU

BELETTE & CIE – CRÉATRICE D’ABAT-JOUR

SON HISTOIRE

Jusqu’à mes 35 ans j’ai toujours fait « des métiers sérieux », des métiers qui rapportaient de l’argent, de la sécurité, voir un plan de carrière jusqu’à la retraite.    

J’avais le sentiment de ne pas être à ma place, de passer à coté de ma vie, de suivre les conventions d’une petite vie tranquille. 

Pour ma famille, mes parents, mes amis, je donnais à leurs yeux une belle image d’une personne rangée. 

Mais je commençais à tourner en rond, à me chercher. La crise de la quarantaine en avance ? 

Je tenais un Spa, dans un hôtel très chic de Courchevel, je voyais du très beau monde, je soignais autant la déco du centre que mes clients, mes clients étaient fidèles d’une année sur l’autre, je les aimais bien et eux aussi. 

Un jour, j’ai trouvé une boite en bois à vin vide. Pendant une pause, je l’ai peinte en noir, et j’ai dessiné des petites fleurs bleues très naïves. Très satisfaite du résultat, j’y ai rangé les CD 

A ma grande surprise un client me demande si je la vends. Bah non, c’est une boite ordinaire une boite pour une bouteille de vin. Je me suis demandé s’il n’était pas fou ou se moquait de moi. Il a les moyens de s’offrir une boite dans une très chic boutique déco de la station. 

J’ai refusé. Le lendemain, son épouse vient me voir et me demande si je voulais bien lui peindre des boites pour elle. Et combien je lui prendrais. Quelle question : comment lui dire que j’ai fait ça pendant mes pauses. 

Elle a tellement insisté que je n’ai pas refusé. Et j’ai peint dans mes rares temps libres, ses boites. Puis des portes d’appartements dans une résidence.

 Un matin, je vois arriver à la porte de mon centre, une gérante d’un hôtel concurrent avec un petit chevet. Elle me demande si je peux lui peindre des petites fleurs dessus. C’était la grande mode des meubles peints avec des fleurs et des scènes champêtres. 

J’y ai pris tellement de plaisir, que l’étincelle est venue. C’était ça que je voulais faire. Peindre des meubles. 

Après la saison, c’est sûr, je ne renouvelle pas la location pour la saison d’hiver suivante. J’en parle autour de moi, t’es folle, ce n’est pas un métier, artiste, ce n’est pas sérieux. Tu as vu combien tu gagnes en 5 mois d’hiver. Tu as tout le reste du temps pour t’amuser et te faire plaisir.

Si je suis sérieuse et je vais faire cela très sérieusement. 

D’abord, trouver une école sérieuse, la meilleure qui soit : l’Ipédec à Pantin, la meilleure d’Europe se trouvant à Bruxelles, je ne voulais pas quitter les miens pour cela. Une folie financière. Un sacrifice assumé, j’ai appris le trompe-l’oeil, les faux marbres les faux bois, je m’y suis ennuyée à mourir. L’art du faux ce n’est pas mon truc. Mais je n’allais pas le dire. Cela aurait conforté les dires des miens. L’école propose à ses élèves de petits chantiers ; faire des faux bois sur les portes des immeubles parisiens, c’est bien payé, mais les gens faisaient faire pipi à leurs chiens sur les glacis tous frais des portes en faux chêne. Cela dure un temps

Je m’offre une formation chez le roi des meubles peints : Jean Pierre Bezanval. Et une autre encore aux ateliers Guigue  Boulevard Beaumarchais à Paris. 

Je peints beaucoup de meubles avec des fleurs.  

Je me lasse, à force de voir des petites fleurs champêtres, je trouve que cela frise le kitch d’en avoir plusieurs dans une maison.

Je pars en week-end au Maroc : les murs à la chaux, le naturel, la simplicité des matériaux, la richesse des décors, c’est la révélation,  je tombe en amour de ces techniques. J’y reste 6 mois, j’avais trouvé ma voie, le badigeon de chaux, les murs en chaux ferrées, le stucco, c’est tellement joli. 

 Je revois mes clients de Courchevel qui me font beaucoup travailler dans leurs résidences secondaires et me font rencontrer des antiquaires intéressés par mon travail.

A mon retour, changement de vie, je quitte tout, laisse tout, mari, maison, (mon fils est grand il a sa fiancée) je dois penser à moi. 

Je me retrouve dans une maison en ruines que je venais d’acheter dans le Perche ; Je ne connais personne, mais ma maison est à mi chemin entre deux grands marchés antiquaires, les antiquaires commencent à me demander si je peux faire un faux marbre sur un dessus de commode, puis vient une lampe à patiner. Je propose de le faire à la chaux. Le résultat était très sympa, il la propose lors d’un salon parisien, et la vend de suite. Il m’en ramène d’autres, encore et encore. Comme c’était très tôt le matin que les antiquaires passaient, pour ne pas me réveiller, ils déposaient à l’époque leurs luminaires derrières les grilles de ma maison.

Ils étaient emballés dans des draps anciens monogrammés. A cette époque la mode campagne chic commençait seulement à pointer son nez. Quand ils repassaient prendre leurs commandes, ils me laissaient les draps anciens. Je n’avais pas grand chose dans ma maison, j’avais tout laissé, un lit une table deux chaises, une chaine hifi quelques affaires perso, une vieille machine à coudre, des pigments des pinceaux.

J’ai commencé à avoir une montagne de jolis draps, j’ai confectionné une housse de couette en patchwork de monogrammes, qu’une cliente m’a de suite achetée. Puis d’autres ont suivies. 

J’ai trouvé dans une brocante de vieux abat jour, et là, ce fut le grand déclic de ma vie. Un bel abat-jour donne une âme à la pièce, une chaleur, c’est rassurant.

Ma maman me disait : quand on fait une chose, on la fait bien sinon ce n’est pas la peine. 

Faire des abats jour ce n’est pas un métier, fais un métier sérieux avec un salaire tous les mois, c’est la sécurité. Toujours ce mot « sécurité ». 

Certes mais c’est une passion. J’ai pris des cours, des tas de cours. Je voulais faire tout de A à Z, créer mes propres gabarits. L’abat jour demande de la rigueur dans les calculs et surtout de la minutie. Et puis je n’avais plus a courir d’un chantier sur des échafaudages, j’étais tranquille chez moi. J’étais libre d’organiser mon temps. Le bonheur.

La mode des festons, des volants éclatait partout. On ne parlait que du style campagne chic, Gustavien, Shabby chic. 

J’ai fait des milliers de petits abat jour puis des grands, des formes diverses, je ne me suis jamais lassée de les faire. Même aujourd’hui le petit festonné est un intemporel

Quelques années plus tard je rencontre mon mari, un vrai suédois, qui m’emmène dans sa famille à Stockholm. Je suis la plus heureuse du monde. Je vais découvrir le vrai style Gustavien dont on commence à parler ici en France. 

 le style Gustavien n’est plus à la mode en Suède, on est dans le contemporain la bas, pas chez nous. Je chine plein de meubles de style gustavien et de luminaires que je ramène en France.  

On parle beaucoup déco avec mon mari. IL est médecin, ça le détend, il est mon premier soutien, je lui dis que je voudrais changer de style, me renouveler, mettre des portraits de gens célèbres sur mes abat-jour.  

IL y a 11 ans, il m’offre une énorme machine a impression textile. Moi qui n’aime pas lire les modes d’emploi, je me suis mis la pression et je m’y suis collée. Les premières approches n’étaient pas très réussies mais on ne peut que progresser. 

Le choix des portraits est tellement vaste que c’est un plaisir à chaque impression nouvelle. Je maitrise aujourd’hui les logiciels de retouches je retravaille les couleurs des visages, pour que la lumière soit plus belle, j’adapte les dimensions des portraits à mes formats d’abat jour

Je ne regrette pas mon choix, je ne suis pas lassée de ce que je fais. J’ai des doutes sur les sujets que je propose. Vont ils plaire aux clients ? Se remettre en question c’est indispensable. Je le fais tout le temps. 

Créer est un travail solitaire qui me convient, je ne sors pas souvent. Quand je fais un salon (ce qui est rare) j’en suis malade à l’avance. 

Vendre est un métier, je ne sais pas bien faire, je suis plus technicienne que vendeuse). Chacun son job

Dans ce métier il y a des hauts et des bas. Il faut savoir s’adapter, ne pas se perdre. Je me sens à ma place dans ce que je fais, passionnée. 

J’élargie mon champ d’action avec la création d’objets déco. Comme on m’a toujours dit que lorsqu’on faisait quelque chose, il fallait le faire bien, je fais de mon mieux. 20 ans après je suis toujours là !

RENCONTRE AVEC VILLA FARESE

Sur Instagram Laurence avait posté des photos de cœurs à suspendre, j’ai été subjuguée par son talent. Je suis rentrée en contact grâce à la messagerie personnelle d’Instagram et nous avons commencé à allier nos savoirs faire. C’est une belle rencontre que nous avons le plaisir de  partager avec vous !

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